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L’Araignée

Les rois fous de l’histoire ont toujours fasciné post mortem. Que nous raconteraient ces souverains, s’ils avaient été allongés sur un divan ? La pièce dramatique l’Araignée dépoussière avec une mise en scène moderne, les questions liées aux religions, à la souveraineté et à la condition humaine.

Par Estelle GUEÏ

 

Histoire et Religion

Ce n’est jamais évident d’adapter une pièce datant du XVI ème siècle et fustigeant les religions en une pièce de théâtre contemporaine. C’est le pari audacieux qu’ont tenté le metteur en scène Rémi DELIEUTRAZ et les 2 acteurs de l’Araignée, Jean-Nicolas GAITTE et Maxime GLEIZES.

 

 

Confortablement installé dans l’historique salle de spectacle des Batignolles, au Studio Hébertot (1830), le public patiente dans la pénombre. Soudain, sur la scène plongée dans le noir, apparait un personnage en costume bleu. Le fameux empereur de la lignée atavique des Hasbourg, Charles QUINT, fils de Jeanne La Folle et de l’archiduc Philippe le Beau, et petit-fils de la reine Isabelle de Castille.

 

Charles QUINT est l’homme le plus puissant d’Europe grâce à tous les héritages qu’il a reçus : souverain des Pays-Bas, premier roi d’Espagne, des Deux Siciles, souverain des Amériques, empereur du Saint-Empire Maximilien 1er et Empereur du Saint-Empire Romain Germanique.

Surgit ensuite un homme roux barbu, échevelé, portant une sorte de longue parka, semblant apeuré, car pourchassé et malmené par la garde royale. Le fameux Martin LUTHER, l’initiateur du protestantisme.

 

l’Araignée, une pièce de théâtre contemporaine

Moine allemand et Docteur en théologie, Martin LUTHER remet en cause le fonctionnement de l’Église catholique et le pouvoir du Pape. Il sera excommunié par le Pape Léon X le 3 janvier 1521. Malgré les pressions reçues pour qu’il renonce à sa nouvelle doctrine, Luther qui n’a alors que 38 ans, tient bon. Son influence grandissante grâce à l’essor de l’imprimerie, lui permet d’être protégé par le Prince Electeur, Frédéric III de Saxe.  Or, l’empereur Charles QUINT est inquiet car il s’apprête à déclarer la guerre au roi de France, François 1er. Il a besoin du soutien des états allemands, mais il craint une révolte s’il arrête Luther. D’autant plus que celui-ci dénonce les commerces d’indulgences au sein de l’église et prédit la fronde des paysans à travers le royaume.

C’est dans ce contexte politico-religieux houleux que Charles QUINT convoque Luther à la Diète de Worms, les 17 et 18 avril 1521. 

Luther et Quint

Pendant 1h, les 2 trentenaires s’invectivent dans un dialogue parfois violent, où les protagonistes crient et se battent au sol comme s’ils étaient dans un film d’action. Les roulades ont l’air plus vraies que nature. Les premières frayeurs et surprises passées (j’étais au 1er rang), on comprend que ces jeux de scène (qui sont loin d’être du ressort comique) font partie de l’ossature de ces personnages historiques aux destins hors du commun.

Le roi Charles Quint de la lignée mélancolique des Hasbourg

En effet, Charles QUINT veille à ce que les sujets de son royaume soient bien dociles et faciles à régenter. Pour cela il s’appuie sur le christianisme, et notamment sur la figure du Pape et de Rome pour contenir le peuple et guerroyer. Cependant, cette stratégie religieuse ne convient pas à l’esprit éclairé de Luther qui prône des idées révolutionnaires. Ses partisans sont de plus en plus nombreux à travers l’Europe, mettant en péril les desseins du roi. Charles QUINT tente d’amener Martin LUTHER à la raison, car il risque le bûcher pour hérésie. Il ne veut pas le perdre car il sait qu’en lui réside un homme libre et passionné.

L’un se croit pragmatique et l’autre libéré des chaînes sociétales et religieuses, qui asservissent l’homme.

 

En analysant les dialogues, calibrés comme une partie de ping-pong, on découvre les faiblesses et incohérences de ce roi, qui selon les historiens était mélancolique, dépressif, timide, replié sur lui-même et souffrant de la goutte…Ainsi on apprend qu’avant de recevoir la couronne, Charles QUINT oscillait entre crises de vomissement et coliques néphrétiques. Oui, parfois les dialogues lorsqu’ils ne sont pas bruyants peuvent virer gentiment scato. Ne vous formalisez pas, car ce pari audacieux nous apprend qu’il est toujours plus sain d’affronter ses peurs et de ne pas se laisser envahir par l’égo. Car ces 2 monstres historiques sont frappés sur sceau de l’égo et de la parano qui dévorent leur bon sens.

Alors que Charles QUINT martèle : « La sincérité est le signe des hommes de foi », Luther tente de démentir les calomnies qui le disent impuissant. Entre « histoires de coucheries manquées », de « Satan qui s’empare des cœurs » et « châtiments hérétiques » on est content de vivre au XXI ème siècle et d’avoir échappé à ces folies meurtrières !

 

Jean-Nicolas GAITTE et Maxime GLEIZES

 

L’Araignée est un pied de nez contre l’ordre établi et rappelle une anecdote vécue à la cour de Charles QUINT par un ambassadeur vénitien, en 1548. Lors de leur entrevue, l’empereur aurait été effrayé par une araignée et tremblait à chaque décision qu’il lui fallait prendre.  D’ailleurs, la dernière tirade de la pièce résume ironiquement la bêtise humaine dont le peuple devait être plongé au moyen-âge, où nombres de monarques étaient notoirement fous à cause de la consanguinité et pressions monarchiques…

 

L’Araignée – 1521 Achever l’Empire

Jusqu’au 4 Avril 2023

Le dimanche à 17h, lundi 19h et mardi 19h

Mise en scène : Julien BREDA

Avec : Jean-Nicolas GAITTE et Maxime GLEIZES

Studio Hébertot

78 bis Bd des Batignolles

PARIS 17

 

 

 

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