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Good Morning Chuck !

Charles Belanger est un animateur tv vedette. Son émission « Good Morning Chuck ! » est regardée religieusement chaque matin par des millions de téléspectateurs canadiens. Seulement ce que ne savent pas ses fans envahissants, c’est que Charles est accro à la coke et qu’il est au bord du suicide social !

Par Estelle GUEÏ

 

 

« Bon matin ! J’espère que vous avez votre café! »

Ne vous laissez pas rebuter par l’esthétique noir et blanc de la série désopilante canadienne « Good Morning Chuck ! »A image du film québécois avec Jean DUJARDIN de Michel HAZANAVICIU, The Artist, cette absence volontaire de couleurs, accentue les expressions de visages, émotions et caractères des différents personnages. Cette particularité graphique souligne même l’incongruité des situations parfois burlesques ou trash dont la série est émaillée.

D’entrée de jeu le ton est donné : la scène d’ouverture d’un plan à 3 dans les toilettes de la rédaction TV avec « un incident anal » nous plonge immédiatement dans l’univers impitoyable des médias, du star-system qui entoure les animateurs vedettes. Dans cet envers du décor, on est loin du monde des bisounours. Pourtant le contraste entre la violence des scènes crûes et les paroles pleines de bon sentiment des auditeurs « fans » de Chuck provoquent chez le héros des angoisses.

Le réalisateur décrit avec psychologie les affres que traverse « l’animateur star-ami-confident-fantasme » qui vit à travers le petit écran dans l’intimité de son public d’anonymes depuis des décennies. Comment rester insensible face à autant de détresse ?

Lorsqu’un policier censé arrêter Chuck pour exhibitionnisme devant une maison de retraite, refuse de faire son devoir au prétexte que Chuck est « une véritable institution » dans le pays, on comprend comment certaines personnes exposées médiatiquement plongent dans les travers de la célébrité… Ce sentiment de malaise est palpable lorsqu’un inconditionnel de l’émission matinale avouera qu’il le considère même « comme un membre de la famille », qu’il l’écoute assidûment tous les matin et soir avec son épouse. Limite qu’il contribue à cimenter artificiellement leur couple ou à combler le sentiment de solitude de ses auditeurs …Entendre la voix de Chuck, rigoler à ses blagues et voir sa tête les rassure ses fans au quotidien.

Une telle pression médiatique n’est pas anodine. Chuck est en perte de sens. Tout est (trop) facile, prévisible, entendu. Même si son statut de célébrité nationale lui permet toutes les fantaisies et caprices, il est plongé dans un mal-être incommensurable. Pour faire face à ses démons et angoisse, Chuck consomme toutes sortes de drogues et s’adonne à ses pulsions sexuelles de plus en plus trash, jusqu’à l’irréparable. S’ensuit une véritable descente aux enfers, où il perd simultanément ses contrats publicitaires, avocats, agent, petite-amie et pratiquement son appartement…Les dialogues mâtinés d’accent canadien, adoucissent parfois certaines scènes violentes devenant alors cocasses.  Les personnages sont attachants dans leur faiblesse, lâcheté et sournoiseries. Une véritable comédie humaine, où la célébrité révèle les pires travers de l’être humain. L’animatrice qui pour réussir accepte de se faire sodomiser dans les toilettes dans un plan à 3 hardcore. Le flic fan semi-corrompu. La bienfaitrice-médecin aux abois. Le faux-ami profitant de la situation d’isolement de Chuck, pour lui vendre 100 balles des sacs à caca pour son chien… La seule personne dans les 2 premiers épisodes qui semblait être « authentique » et désintéressée, finit par trépasser en lui abandonnant son chien Cristal…

 

« Aide-moi à t’aider ! »

Cette descente aux enfers dans les tréfonds du milieu de la TV rappelle la triste fin de DELARUE à cause de ses addictions au drogues provoquées par un profond mal-être entretenu par une industrie où l’humain n’est plus au cœur de « la machine », mais seulement les retombées médiatiques et publicitaires. « Sur l’autel de L’audimat », les proies les plus fragiles et paradoxalement brillantes sont implacablement broyées par le star-system !

 La vérité est que Chuck est bel et bien « toxico », sauf que lui ne le voit pas de cet œil-là ! Derrière sa gouaille, il pense juste être « un sacré fêtard ». Assumer sa dépendance à la cocaïne lui fait peur. Alors qu’il perd un à un les membres de son entourage familial, personnel puis professionnel, Chuck entre dans une spirale où la rehab est son seul espoir de guérison….

Or, contrairement à Monsieur ou à Madame-tout-le-monde, Chuck bénéficie de traitements de faveur. Sa désintoxe se passe dans son appartement où il lui suffit de porter un hoodie à capuche et des lunettes noires pour s’éclipser et appeler en catimini son ex d’une cabine téléphonique pour la convaincre de lui donner une seconde chance.  On découvre ainsi les charmes de l’ancien temps où les gens n’étaient pas accrochés à leurs téléphones portables et communiquaient de façon plus vraie avec les autres humains.

Cette série nous interroge également sur ces pertes de repères, de sens, propices à fabriquer des êtres désœuvrés, se sentant en décalage émotionnel avec la société, voire en conflit avec eux-mêmes. Ce paradoxe est palpable lorsque son téléphone portable, TV, le sexe et la drogue lui sont confisqués. Le héros aura alors cette phrase majestueuse : « Je veux retrouver la vie d’avant-l’avant ! » Car à toucher les étoiles le papillon s’est abîmé les ailes…Alors que l’amour est un sentiment puissamment galvanisant, celui que lui portent ses fans le détruit à petit feu. L’humain pour s’épanouir a besoin de se nourrir de profondeur et non de superficiel nous fait comprendre en filigrane cette série canadienne.

Dans ce chaos sans nom, une femme mystérieuse lui tendra la main. Elle s’appelle Marie-Jeanne (clin d’œil au cannabis ?) Sa bienveillance apparente n’est pas naturelle, car à la tête d’une maison de repos dans la campagne de Cherbrook elle cherche désespérément depuis 15 ans à faire décoller son affaire qu’elle tient à bout de bras. L’addiction aux drogues de Chuck lui offrirait l’opportunité de médiatiser sa technique révolutionnaire pour qu’il s’en sorte et gagne de nouveaux clients… Le joyeux fêtard trouvera-t-il son salut dans l’essentiel ? Comment va se traduire sa quête de sens dans un monde privilégié et envié ? Pourquoi la symbolique de brûler ses anciens vêtements et de porter une jaquette le 1er jour de rehab est si importante ? 

C’est là que la poésie du noir et blanc, servie sur une BO jazzy, se dévoile dans toute sa splendeur. Lorsqu’on suit ce petit groupe de personnes, Thalia, Suzanne, Gilles, Nathalie et Joël, nouveaux comparses au bout du rouleau à cause des drogues. Lessivées par la vie et les déboires causées par leurs addictions parfois aux ramifications multiples…On pénètre dans une intimité étrange, sans préjugés. Au plus près d’êtres brisés, paumés dans leurs chemins de vie, en quête de nouveaux repères et de nouvelles règles. L’un des compagnons de désintoxe de Chuck avouera avoir enfin réalisé grâce à la méthode du Dr Marie-Jeanne « qu’on peut donner de soi à sa femme ». Il lui aura fallu toucher le fond pour comprendre la valeur de l’amour authentique réciproque.

On comprend que les implications émotives telles que l’amour de soi et l’estime de soi sont deux choses différentes, mais essentielles à l’équilibre de l’être humain. Le héros se découvre des facultés de psychologue et commence à s’interroger sur des questions métaphysiques et philosophiques lors des réunions de groupe et entretiens individuels. On suit alors un vaste cheminement de pensées

La réplique du film « aide-moi à t’aider » de Vanilla Sky n’a jamais autant fait sens…

Une série originale, à contre-courant, que la rédaction de Kiss City Paris vous recommande vivement, pour être encore plus aligné.e et en paix avec soi-même !

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