Stephen King : Après
A chaque sortie littéraire, le maître de l’horreur et de l’épouvante remet son titre en lice depuis un demi-siècle ! Les inconditionnels de Stephen King ont repéré la sortie de son dernier titre : « Après »
Par Estelle GUEÏ
Souvenirs d’enfance
L’approche des fêtes commerciales est toujours l’occasion pour l’auteur aux best-sellers qu’on ne comptabilise plus, de publier de nouveaux ouvrages délicieusement horrifiques, denses, mais toujours faciles à lire.
Son dernier roman renoue avec les ressorts et intrigues qui ont fait le succès des premiers romans de Stephen KING.
Car, en grande lectrice assidue des romans du King depuis mes 12 ans, où le soir je bravais l’autorité parentale, en me cachant sous la couette, agrippée à une lampe torche à piles pour lire les dernières pages me tenant en haleine (les portables n’existaient pas encore ^^), ma mère me surprenait souvent en pleine intrigue !
Ce que j’aimais dans les premiers romans du futur auteur prolifique, c’était la façon dont il bravait les interdits de la morale et de la bien pensance. Dans ses romans les enfants ne sont pas forcément des anges. Les adultes peuvent aussi se révéler des monstres ou de grands enfants torturés, cachant des blessures d’enfance les rendant attachants. Stephen KING, en fin observateur de la nature humaine et de la société américaine, utilise son art littéraire pour dépeindre les mécanisme d’une société américaine contemporaine rattrapée par le mal.
Lorsqu’on est soit-même un enfant et qu’on lit ces romans réservés pour les plus grands, c’est le comble de l’horreur ! Car oui, quand on est enfant ou ado, on imagine ces monstres s’immiscer dans chaque coins d’ombres de notre environnement familier. Même si cela reste de la fiction, des décennies plus tard, les frissons provoqués par les romans de Stephen KING sont toujours aussi prégnants. Et si c’était possible ? A chaque nouvelle sortie littéraire du maître de l’épouvante, c’est une part de mon enfance et adolescence que je retrouve.
Ces années à dévorer, ou plutôt, à décortiquer des kilomètres de pages, ont aiguisé mon appétit pour l’insolite.
Un auteur engagé
Auteur engagé et érigé en promoteur de la littérature américaine, Stephen KING a publié plus de 200 nouvelles et 40 livres en 30 ans de carrière. Ses oeuvres horrifiques sont teintées de poésie, mais aussi de politique. En effet, il n’est par rare de décoder à la lecture de ses ouvrages, des messages politiques et métaphores pour décrire les maux qui rongent l’Amérique (l’alcoolisme, les violences faites aux femmes et aux enfants, le port des armes, les drogues, la société de consommation…)
Stephen KING aime dépeindre une société américaine complexe, portée par des personnages facilement identifiables, attachants, où même des monstres ignobles capables de faire preuve d’humanité dans des situations inattendues ou de violences traumatisantes.
Souvent, les objets de la terreur sortent tout droits de la société de consommation américaine : la voiture tueuse Christine, Cujo le Saint-Bernard enragé, le magasin hanté Bazar, le bal de fin d’année où le sang menstruel de Carrie est une métaphore du puritanisme américain. Ou encore la folie meurtrière dans Shining utilisée pour dénoncer les ravages de l’alcool au sein des familles…Son acuité lui permet de se renouveler au fil de ses ouvrages et de conquérir un nouveau public intergénérationnel. A 74 ans, Stephen KING est resté cet éternel adulescent aimant faire frémir les plus endurci.e.s !
« Champion »
Son dernier roman « Après », campe les péripéties de son nouveau héros, Jamie petit garçon aux facultés médiumniques et fils d’agents littéraires New-Yorkais, dans l’Amérique d’aujourd’hui. Le lecteur suit avec effroi et tendresse, ses aventures, de l’âge de 6 ans à 20 ans. Cet anti-héros attachant, est le digne successeur de Dany, l’enfant médium des années 80’s pourchassé par les fantômes de l’Hoverlook.
Tout comme lui, Jamie a la faculté de voir et de converser avec les morts.
Une capacité recherchée par une flic lesbienne, dealeuse et accro à l’héro. Puis utilisée également par sa propre mère, pour se refaire une santé financière en pleine crise des subprimes, où elle a perdu ses économies dans des placements hasardeux…
Dés les premières pages, le lecteur est entraîné dans le style littéraire de l’enfant. Sa façon de percevoir ce monde surnaturel étrange où les morts ont pour obligation de répondre aux questions qu’on leur pose sans mentir. Au fil de ses observations, le narrateur devient presque un anthropologue, expliquant cette vie après la vie.
On découvre ainsi comment Jamie entre en communication avec les défunts et retrouve les objets perdus. Leur indifférence pour les velléités humaines lorsqu’ils sont encore à naviguer entre les 2 mondes (1 semaine). Leur insensibilité à la douleur ou aux émotions. Les messages des défunts captés par la radio de Jamie sont bouleversants. Comme l’amitié qui se noue entre l’ancien « professeur émérite » de son vivant et dont les conversations continueront dans l’au-delà. Troublant. Cela semble tellement documenté et « rationalisé » qu’on se demande si une autre forme de vie serait possible après la mort….On sent que l’auteur a effectué des recherches très sérieuses sur la question. Notamment sur les capacités médiumniques des enfants et des animaux réputés hypersensibles en présence des entités.
Au fil de la narration le héros grandit, la narration s’étoffe, l’intrigue se déploie révélant les origines du héros à contrecourant de la morale. On découvre avec surprise un Jamie devenu jeune adulte, en quête de construction identitaire.
Je me suis surprise à relire à 5 fois des passages clefs, où les rebondissements étaient inattendus et rondement bien menés….Cela faisait longtemps que Stephen KING ne m’avait procuré autant d’émotions et de suspens depuis mes 12 ans !