Back

Amy Winehouse : Back to Black

13 Ans après le décès de la chanteuse, Amy Winehouse, survenu à l’âge de 27 ans des suites d’une surdose d’alcool, le 23 juillet 2011, la réalisatrice Sam Taylor-Johnson explore son ascension et sa descente aux enfers dans le biopic Back to Black. Alcoolisme, drogues, relations toxiques, gestion du star-system, santé mentale, Amy revit et se livre à l’écran pendant 2h…

Par Estelle GUEÏ

 

Un film polémique

Par certains aspects, le biopic de Sam Taylor-Johnson, Back to Black, ressemble au film A Star is Born (2018) inspiré des débuts de Lady Gaga. Deux réalisations qui ont pour points communs de mettre en scène les relations toxiques qu’entretenaient les deux chanteuses avec des hommes torturés et addicts aux drogues ou à l’alcool.

Nous assistons ainsi à la naissance d’une étoile, à son polissage dans les studios, à son firmament sur les scènes internationales, jusqu’à sa chute. Tel un papillon éphémère, Amy WINEHOUSE est entrée à jamais dans le fameux Club des 27, rejoindre d’autres icônes du rock (Kurt Cobain, Janis Joplin, Jimmy Hendrix…)

 

Le film Black to Black nous plonge dans la vie tumultueuse d’Amy Winehouse

 

Depuis sa sortie, Back to Black suscite une vive polémique auprès de la presse, des fans et des ami(e)s de l’artiste, puisque le film brosserait des portraits du père et du petit-ami d’Amy WINEHOUSE, beaucoup trop contrastés, loin des faits qui leur seraient reprochés.

Cependant, dans la vie rien n’est binaire. D’autant plus, que les artistes peuvent être impactées par leur mode de vie, leur hypersensibilité, fréquentations ou leurs états d’âme, au détriment de leurs œuvres et talents

Bien que possédant les droits sur la musique et l’histoire, par souci d’éthique, la réalisatrice, Sam Taylor-Jonhson, a voulu rencontrer la famille d’Amy avant de tourner le biopic.  Elle confiera au micro de BFMTV lors de l’avant-première parisienne : « ce que je voulais, c’était rencontrer la famille par respect, car je fais quand même un film sur leur fille ». 

 

Amy Winehouse et son père Mitch Winehouse

 

Une démarche transparente, où la réalisatrice derrière la caméra, tend à casser le côté trop manichéen du petit-ami et du père d’Amy, décrits dans la presse internationale comme des personnes méchantes.

Or, n’oublions pas que la vie et les relations humaines sont faites de zones d’ombres, de luminosité, comme de rugosité. Entre le blanc et le noir il existe toute une myriade de couleurs et d’émotions.

C’est peut-être l’une des leçons de ce film, qui ne doit pas être vu comme un énième document à charge contre Mitch ou Blake.

D’ailleurs, l’un des amis d’enfance d’Amy Winehouse s’exprimera au Sun sur cette forme de sympathie développée tout le long du film : « J’aimais bien Blake et je suis content qu’on ne l’ait pas fait passer pour un méchant absolu, parce qu’il ne l’était pas (…) comme s’il était responsable de tout ». 

 

Une relation certes toxique, mais intense et fusionnelle, retransmise à l’écran entre Amy et Blake

 

Certaines critiques reprochent qu’Amy apparaisse dans le film comme une jeune fille naïve, surannée, influençable, en proie aux affres du succès. Trébuchante sous les flashs incessants de paparazzis comme Lady Di, victime d’amis et de managers mal intentionnés, de fans envahissants…Amy semble se débattre pendant toute la durée du film contre ses démons intérieurs…On songe alors : Il faut avoir une sacrée mentale pour relever le défi d’être une superstar à 20 ans et d’en sortir indemne !

 

La construction d’une étoile montante de la scène rock anglaise

Née le 14 septembre 1983, dans une famille londonienne juive, Amy Winehouse manifeste très tôt ses talents d’auteure, compositrice et d’interprète, avant de se produire dans des cafés-concerts de Londres.

Le biopic fait la part belle à son processus créatif, montrant une Amy déterminée, ne voulant pas être modelée « comme une Spice Girl » par sa major. On la suit dans ses choix artistiques et dans sa manière de ressentir la musique : « J’ai besoin de vivre mes chansons ! » Il est intéressant d’ailleurs de noter le rôle omniprésent des influences musicales d’Amy qui transparaissent à l’écran.

La musique est présente aussi bien dans les dialogues, que dans la bande son du biopic. On se surprend même à shazamer certains morceaux de la chanteuse de RnB, Lauryn Hill, ou encore du saxophoniste Charlie Parker.

 

Amy Winehouse interprétée par Marisa Abela. Amy était connue pour sa couleur vocale rappelant celles de Dinah Washington, Sarah Vaughan et Wanda Jackson. 

Les plus audacieux(se)s comprendront qu’Amy Winehouse était bien plus qu’une icône rock, habillée en mode rétro et défoncée.

Une personnalité complexe qui aimait citer le romancier, Charles Bukowski, et s’imprégner de la musique jazz. Son humour très particulier lui faisait dire : « Je ne suis pas du tout féministe, car j’aime beaucoup trop les mecs pour l’être ! ».

Amy adorait sa grand-mère, Nan, qui était son « icône mode » et future instigatrice de sa signature capillaire. La relation complice entre les deux femmes est très bien portée à l’écran, rappelant le lien qui nouait Vicky à sa grand-mère dans le film La Boom. Un film intergénérationnel émouvant, qui témoignait aussi des difficultés liées à l’âge adulte, sur ces enfants et ados vivant dans des familles recomposées, ou encore sur la façon de trouver sa place dans le vaste monde…

Lorsque la grand-mère d’Amy Winehouse disparaît suite à un cancer du poumon, son monde déjà fragilisé par l’absence du père, son addiction à l’alcool, sa boulimie/anorexie et les problèmes de drogues de son frère, feront que la chanteuse perdra progressivement pieds, en dépit du succès grandissant.

Marisa Abela dans la peau de la chanteuse Amy Winehouse 13 ans après sa disparition

 

La descente aux enfers

C’est alors qu’elle rencontre un autre jeune homme tout aussi torturé qu’elle, Blake. Sauf que son addiction à lui, n’est pas l’alcool, mais les drogues dures. Ensemble ils tomberont dans la spirale infernale de la codépendance et du couple hautement toxique.

Une relation en dents de scie se noue alors entre deux êtres écorchés vifs, qui soignent leurs plaies avec des dérivatifs encore plus dangereux, sous l’œil des caméras du monde entier.

L’actrice Marisa Abela incarne une Amy Winehouse plus vraie que nature

 

C’est le cœur serré que le spectateur suit l’autodestruction programmée d’Amy Winehouse, errant dans les rues de Soho une bouteille d’alcool à la main, amaigrie, le visage pâle et le chignon défait. 

Si la musique était son médicament, se séparer de son mari Blake redevenu « clean » après avoir purgé une peine de prison, signera son arrêt de mort.

Saluons les performances de Marisa ABELA dans le rôle d’Amy WINEHOUSE, d’Eddie MARSAN interprétant un Mitch Winehouse plus vrai que nature et Jack O’CONNELL endossant le rôle si controversé de Blake.

En revanche, le film laisse peu de place au travail de création et de production des 2 albums phares d’Amy : Frank (2003) et Back to Black (2006). Des oeuvres musicales majeures qui hisseront Amy Winehouse au rang de star mondiale !

 En effet, cela aurait apporté à la narration de décrire la quête de perfectionnisme d’Amy lorsqu’elle travaillait en studio avec Mark RONSON par exemple, en plus de ses performances scéniques de plus en plus impressionnantes.

Pour rappel, l’album Back to Black a raflé 5 récompenses aux Grammy Awards, le positionnant comme l’un des albums les plus iconiques de notre époque.

 

Une histoire d’amour passionnelle et destructrice impossible

Amy Winehouse, une signature vocale et capilaire

Contrairement au documentaire produit en 2015 par Asif Kapadia, où Mitch Winehouse et Blake étaient décrits comme des personnes toxiques, profitant d’Amy, le film de Sam Taylor-Johnson, dévoile la complexité des relations entre parents et amants. Consciente que son couple était « mal assorti », Amy Winehouse aimait partager dans la presse et avec ses fans, les hauts et les bas de sa relation avec Blake. Aimant décrire dans ses chansons « l’exaltation et les turbulences émotionnelles » que lui provoquaient Blake. Avouant que la fusion de leurs corps et de leurs esprits lui procuraient « une sensation de bien-être extrême ». Ce qui ne l’empêchait pas de ressentir des colères violentes allant jusqu’à l’automutilation ou aux coups portés à son mari. Le spectateur assiste à ces « moments volés » où Amy semble « avoir besoin de faire du bon avec du mauvais » à travers ses chansons.

 

Entre tatouages, vodkas hardcore sans glaçons, rails de coke, héro, vomis, scarifications et bad boys, la vie d’Amy Winehouse ne fut pas une sinécure…

Le dernier concert d’Amy Winehouse

 

Cependant, dans cette descente aux enfers bien réelle, les tubes comme ValerieYou know I’m No GoodRehabLove is a Losing Game, Me & Mr Jones…continuent de distiller les message d’Amy Winehouse. Retenons cette citation d’Amy : « La vie est courte. Tout peut arriver, et c’est généralement ce qui se passe, il est donc inutile de rester assis à réfléchir à tous les si et à tous les mais. »

Back to Black est une prose poétique, fragmentée, où les ondulations et mouvements lyriques de l’âme sont décrits avec une dureté, contrastant avec la pureté de l’héroïne 

Back to Black distille le même spleen si cher à Baudelaire, dont nous pourrions réadapter l’un de ses mots d’esprit :  Le plus grand honneur de l’artiste est d’accomplir juste ce qu’il a projeté de faire !

Post a Comment

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

error: Content is protected !!