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Maxime Sorel & l’Everest

Maxime SOREL, dixième du dernier Vendée Globe, est le premier homme au monde à réaliser l’exploit d’un double Everest, celui des mers et des montagnes. Rencontre avec le skipper à peine redescendu du Mont Everest et de ses 8 848 mètres d’altitude.

La Rédaction

 

Cela fait à peine une semaine que vous êtes rentré en France. Comment vous sentez vous après ce voyage hors du commun ?

Plutôt fatigué, tout s’est passé vraiment sur la fin de l’expédition. On a eu beaucoup de phases d’attente pour permettre au corps de s’acclimater. Ça été très rapide et très intense sur la dernière partie de l’expédition donc bien fatigué !

 

Quelles étaient vos motivations pour gravir l’Everest ?

Je suis parrain d’une association qui s’appelle Vaincre la mucoviscidose, ce sont des patients qui manquent de souffle. J’avais pour volonté de réaliser un tour du monde en solitaire, sans escale et sans assistance, le Vendée Globe, qu’on appelle aussi « l’Everest des Mers ». Je me suis dit que si j’avais les capacités pour créer un projet comme celui-ci, à la fois financier, humain et technique, je souhaiterais faire un double Everest, donc gravir l’Everest. Je suis un passionné de montagne et ce serait un chouette message pour les patients puisque là-haut on manque de souffle. Il y a très peu d’oxygène, on a les capacités respiratoires d’un patient qui attend une greffe, à savoir 30%. Il y avait donc beaucoup de symboles et c’était un projet que je trouvais unique. Il s’avère que j’ai trouvé des partenaires pour faire le Vendée Globe et derrière je me suis lancée dans cette aventure des deux Everest.

Vous soutenez donc les personnes atteintes de la mucoviscidose, une maladie pas si connue du grand public.

Oui c’est ça, et c’est une maladie qui ne se voit pas. C’est très compliqué à expliquer aux autres enfants en bas-âge à l’école qui se demandent pourquoi les enfants atteints de la mucoviscidose ne peuvent pas faire de sport. C’est parce qu’ils manquent de souffle alors qu’ils paraissent en bonne santé. Ces enfants en souffrent et pour l’avoir vécu, manquer d’oxygène c’est handicapant pour tout. C’est vrai que le combat il est là : récolter un max de fonds, continuer de chercher, faire accélérer les recherches et trouver une solution pour les patients.

Racontez nous votre préparation physique.

Ça faisait trois ans que je préparais cette expédition. Cinq ans que c’était dans ma tête et trois ans de préparation en amont. J’ai fait beaucoup de séance en montagne avec Guillaume VALLOT qui m’a aussi accompagné sur l’ascension de l’Everest. J’ai bossé avec un centre de préparation autour du lac d’Annecy pour développer mes capacités physiques, mes capacités de respirations. J’ai travaillé sur le cognitif aussi, c’est-à-dire la liaison entre le cerveau et le pied par exemple. Il faut savoir qu’en haut de l’Everest on a l’âge mental d’un enfant de cinq ans donc tout est compliqué, on est plus très lucide, et si on a des automatismes avant d’aller là-haut c’est un peu plus simple.

J’imagine qu’il y a aussi eu de la préparation psychologique, comment vous êtes -vous préparé mentalement ?

Je l’ai fait avec le même centre, j’ai plus préparé la partie physique en faisant des choses plus dures que ce qu’ont allait faire là-haut, c’est aussi ma manière de me préparer en bateau. Donc j’ai vraiment axé le mental avec le côté physique.

Quelles similitudes avez-vous noté entre l’expédition de l’Everest et vos périples en mer ?

L’exercice est très différent. En revanche, il y a un vrai point commun, c’est la durée de l’expédition : 43 jours. C’est la moitié de mon Vendée Globe 2020 qui a duré 89 jours. On vit dans des conditions rudes, le camp de base c’est presque du camping : c’est un espace assez restreint avec une petite tente. On est toujours dehors et c’est la même chose que ce qu’on peut vivre en mer.

Que ressent-on quand on est sur le toit du monde ? Est-ce la même sensation qu’en mer ?

Pour moi l’expédition c’est comme une course en équipage, on est pas du tout seul en fait. On est accompagné de Sherpa, on a des gens qui nous accompagne. Le seul point commun je dirais que c’est l’immensité de ce qu’on peut voir. L’immensité de l’océan dans les mers du sud, quand on est à des milliers de kilomètres des côtes et l’immensité au sommet de l’Everest, qu’il n’y a rien de plus haut et que tout parait petit.

Comment vos expériences en tant que skipper ont pu vous aider lors de l’expédition ?

Le sommeil clairement. La capacité à dormir un peu n’importe où et la capacité à se concentrer sur un objectif. Au camp quatre, celui avant le sommet, Guillaume, mon guide qui m’a entrainé n’a pas réussi à se reposer et n’a pas pu monter tout en haut. On s’est arrêté trois heures pour se reposer mais il n’a pas pu, il était focus sur le fait qu’on y était et moi j’étais très concentré en train de dormir dans ma tente à côté avant l’objectif final. Donc oui, je dirais que la capacité à se concentrer et à s’endormir c’est la même chose que ce qu’on peut faire en bateau quand il va vite et qu’il tape mais que l’on doit continuer à vivre et à se reposer parce que si non le corps ne tient plus.

 

Qu’est-ce qui a été le plus dur pour vous pendant cette ascension ?

Toujours physiquement, on va dire que c’est la dernière journée d’ascension. C’est 28 heures de marche avec deux heures de pause, c’est assez intense. La notion de ligne d’arrivé n’est pas du tout au sommet mais plutôt à la redescente donc en bas. Une fois qu’on est monté, ce n’est pas fini, il faut encore redescendre. 100% des gens qui ont des soucis, des gelures ou qui malheureusement y restent, sont des gens qui descendent. Donc on a vraiment fait que la moitié du chemin quand on est en haut. Ce qui est dur aussi c’est le temps d’attente, le temps d’acclimatation du corps pour pouvoir vivre en altitude. C’est comme si on vivait avec une bronchite permanente, un rhume… on est malades, on crache du sang. On est pas du tout en forme et ce temps est très long, il dure 30 jours. Finalement je ne m’étais pas préparé mentalement à être diminué et de jamais revenir à 100% de mes capacités.

 

Vous est-il arrivé de douter que vous parviendriez à réussir cette ascension ?

Non pas du tout, j’étais plutôt dans l’approche de savoir comment faire pour être au mieux avant cette ascension. Quand on a décidé de partir pour le sommet, du camp de base au camp II, je sentais que j’étais quand même assez diminué et j’essayais d’économiser à fond mes réserves pour pouvoir en garder le maximum pour l’ascension. Et je me sentais bien. Le jour même du sommet, j’étais très en forme.

 

Mentalement quand ça n’allait pas, qu’est-ce que vous vous disiez ?

L’envie était tellement forte que j’étais plus en train de me demander si cette envie si cette envie ne masquait pas des choses vis-à-vis de mes sensations, que je ne voyais pas, et qui sont super dangereuse. Comme ne plus sentir ses doigts de pieds parce qu’il fait trop froid par exemple. J’ai tellement d’envie que j’étais plus en train de me freiner en me demandant si j’étais lucide de ce que je faisais. J’avais aucun problème et aucun besoin d’aller cherche plus de ressources et d’envie parce que j’en débordais.

Qu’est-ce qui vous a le plus marqué pendant ce voyage ?

La connexion qu’ont les sherpas avec les milieux dans lesquels on évolue : ils implorent les dieux et les déesses de la montagne de nous laisser passer. C’est quelque chose que j’ai pris à cœur de vivre avec eux parce que c’est un côté spirituel que j’ai retrouvé en haut de l’Everest quand j’ai vu apparaître ce sommet avant de finir. Parce qu’on ne le voit jamais, seulement à la fin, et j’ai vraiment ressenti toutes ces énergies qu’ils avaient implorer pour gravir cette montagne.

Qu’est-ce que cette expérience vous a apporté finalement, qu’est-ce que vous en retenez?

Une expérience de vie de cinq années, elle est née dans ma tête en 2017. Elle m’a alimenté pendant cinq ans. Le sommet à tout prix il était pas du tout utile parce que l’histoire était belle de base. C’est tout le chemin qu’on a accompli avant de pouvoir réussir le Vendée Globe mais aussi l’Everest et tous les gens que ça m’a fait rencontrer, tous les gens que ça a fédéré. C’est aussi pour ça que le message là-haut c’est : vivez vos rêves, ce n’est pas très grave de ne pas réussir l’objectif pour lequel on se bat. L’objectif lointain te fait parcourir un chemin qui est juste magnifique et c’est pour ça qu’il faut le faire.

Quels sont vos futurs projets ? Le Vendée Globe 2024 ?

Oui bien sûr, là c’est de retourner sur l’eau, ça reste quand même mon métier de base. On va préparer la Transat Jacques Vabre pour la fin de l’année, ensuite on aura deux Transats aller-retour en solitaire en préparation avant le Vendée Globe. Et j’ai plein d’autres projets dans la tête mais pour l’instant je vais les garder pour moi.

C’était justement ma dernière question : vous venez à peine de rentrer en France mais on est obligé de vous demander si vous pensez que vous pourriez retenter une aventure comme celle-ci un jour ?

Oui, je suis en train de refaire mûrir un truc qui était au fond de ma tête et clairement j’y travaille au fond de moi et je cherche la manière d’arriver à mes fins.

Très bien, on a hâte de découvrir ça en temps et en heure. Merci Maxime Sorel.

 

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